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vois non-seulement heureux du sort meilleur que leur procure la justice de leur conduite, mais désireux de mériter mes éloges, je les traite comme des hommes libres, je les enrichis et je les honore comme des gens beaux et bons. Car, si je ne m’abuse, Socrate, l’homme avide d’estime diffère de l’homme avide de gain en ce qu’il n’a en vue que les éloges et l’estime, soit lorsqu’il travaille, soit lorsqu’il brave les dangers, soit lorsqu’il s’abstient de honteux profits. »



CHAPITRE XV.


Résumé des qualités propres à un bon contre-maître : de l’agriculture et des agriculteurs.


« Je suppose que tu as inspiré à un homme le désir de voir prospérer ta chose, et l’ardeur nécessaire pour travailler à ton bien ; tu lui as donné les instructions nécessaires pour tirer le plus d’avantages de chacun des travaux exécutés chez toi ; de plus, tu l’as rendu capable de commander ; enfin il se plaît à t’offrir la plus grande quantité possible de fruits mûris dans leur saison ; c’est un autre toi-même : je ne demanderai donc plus, au sujet de cet homme, s’il lui manque encore quelque chose : c’est un vrai trésor qu’un pareil contre-maître. Mais n’oublie pas, Ischomachus, un point que nous n’avons fait qu’effleurer en courant. — Qu’est-ce donc ? reprit Ischomachus. — Tu m’as dit, je crois, que la grande affaire était de savoir comment chaque chose doit se pratiquer ; qu’autrement la surveillance devient inutile, puisqu’on ne sait ni ce qu’on doit faire ni comment il faut le faire. — C’est-à-dire, reprit Ischomachus, que tu veux que je te donne une leçon d’agriculture[1] ? — C’est qu’en effet, repris-je, l’agriculture enrichit ceux qui la connaissent, tandis que ceux qui ne la connaissent pas ont grand’peine à vivre, malgré le mal qu’ils se donnent. — Eh bien, Socrate, tu vas juger combien cet art est ami de l’homme. Cet art, le plus utile de tous, le plus agréable à exercer, le

  1. Il y a ici controverse entre les éditeurs pour la suite et pour la contexture du dialogue. J’ai suivi, contrairement à la proposition d’Ernesti, que L. Dindorf avait d’abord adoptée dans son édition publiée par F. Didot en 1838, le mouvement adopté par Weiske et par L. Dindorf lui-même dans son édition publiée par Teubner 1858.