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importance, ou l’on dira que dans la ruche la mère abeille n’est occupée que des plus viles fonctions. Les dieux, femme, me semblent avoir bien réfléchi, quand ils ont assorti ce couple qui se nomme mâle et femelle, pour la grande utilité commune.

« Et d’abord, afin d’empêcher l’extinction de la race animale, ce couple est destiné à engendrer l’un par l’autre ; ensuite il résulte de cette union, du moins chez l’homme, des appuis pour la vieillesse ; puis, les hommes ne vivant pas en plein air comme le bétail, il est évident qu’il leur faut des abris. Cependant il faut aussi, pour avoir de quoi rentrer sous des abris, que quelques-uns travaillent en plein air. Ainsi le défrichement, les semailles, les plantations, la pâture, sont tous travaux à ciel ouvert, et qui procurent les nécessités de la vie. Puis, les provisions une fois placées sous les abris, il faut quelqu’un qui les conserve et s’occupe des travaux qui ne peuvent avoir lieu que sous ces abris mêmes : abris nécessaires encore pour nourrir les nouveau-nés ; abris nécessaires pour préparer les aliments que fournit le sol, et pour convertir en habits la laine des troupeaux.

« Or, comme ces doubles fonctions, de l’intérieur et de l’extérieur, demandent de l’activité et du soin, la divinité a d’avance approprié, selon moi, la nature de la femme pour les soins et les travaux de l’intérieur, et celle de l’homme pour les travaux et les soins du dehors. Froids, chaleurs, voyages, guerres, le corps de l’homme et son âme ont été mis en état de tout supporter, et la divinité l’a chargé pour cela des travaux du dehors ; quant à la femme, en lui donnant une plus faible complexion, la divinité me semble avoir voulu la restreindre aux travaux de l’intérieur. C’est pour une raison semblable que la femme ayant le penchant et la mission de nourrir ses enfants nouveau-nés, la divinité lui a donné bien plus qu’à l’homme le besoin d’aimer ces petits êtres. Et comme c’est aussi la femme qui est chargée de veiller sur les provisions, la divinité, qui sait que, pour surveiller, la timidité de l’âme n’est point un mal, a donné à la femme un caractère plus timide qu’à l’homme. Mais la divinité sachant aussi qu’il faudra que le travailleur du dehors repousse ceux qui tenteraient de lui nuire, elle a donné à l’homme une plus large part d’intrépidité. En même temps, l’un et l’autre ayant à donner et à recevoir, elle a pourvu également l’un et l’autre de mémoire et d’attention ; si bien que, sous ce rapport, on ne saurait décider lequel l’emporte, de la femelle ou du mâle.