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Jupiter ; car qu’y a-t-il de plus triste pour les hommes qui procréent des enfants que d’en avoir de mal venus ? — Mais pourquoi leur postérité est-elle mal venue ? rien n’empêche, s’ils sont bons, qu’il ne sorte d’eux des enfants également bons. — C’est que, par Jupiter, il ne suffit pas que le couple générateur soit bon, il faut qu’il soit dans la vigueur de l’âge. Crois-tu donc que la liqueur prolifique soit la même chez ceux qui sont dans la force de l’âge, et chez ceux qui n’ont pas atteint ou qui ont dépassé la jeunesse ? — Par Jupiter, elle ne peut être la même. — Quel moment est donc le plus favorable ? — Évidemment celui de la vigueur. — Ceux qui n’y sont pas ne se trouvent donc point dans une condition favorable ? — Non, par Jupiter. — Ainsi, à cette époque, il ne faut pas songer à procréer ? — Non, certes. — Ceux donc qui essayent alors de procréer, le font contrairement à la nature ? — Je le pense. — Qu’appellerons-nous donc des enfants mal venus, sinon ceux-là ? — Je suis encore de ton avis sur ce point. — Dis-moi, partout la loi ne veut-elle pas qu’on témoigne de la reconnaissance aux bienfaiteurs ? — Elle le veut, mais on la transgresse. — Eh bien ! ceux qui la transgressent n’en portent-ils pas la peine, abandonnés qu’ils sont de bons amis et forcés de courir après des gens qui les détestent ? N’est-il pas vrai, en effet, que ceux qui font du bien à qui les recherche sont de bons amis ; que, si on ne leur rend pas les services qu’on en a reçus, cette ingratitude provoque leur haine, et que le grand intérêt qu’on a à les fréquenter fait qu’on ne cesse de les poursuivre ? — Par Jupiter, Socrate, tout cela m’a bien l’air de venir des dieux ; ces lois qui portent avec elles le châtiment de celui qui les transgresse me semblent l’œuvre d’un législateur supérieur aux hommes. — Crois-tu donc, Hippias, que les dieux établissent des lois justes, ou qu’ils puissent en établir de contraires à la justice ? — Non, par Jupiter ; car personne ne pourrait établir des lois justes, si un dieu ne le faisait pas. — Donc, Hippias, les dieux eux-mêmes veulent que ce qui est juste soit la même chose que ce qui est légal. »

C’est ainsi que par ses discours et par ses actes Socrate rendait plus justes ceux qui l’approchaient.