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or, quand on fait le mieux, on n’a pas le loisir de passer du mieux au pire, et, si on s’y laisse aller, on est bien coupable, puisqu’on ne manque pas d’occupation.

Pour les rois et les gouvernants, il disait que ce ne sont pas ceux qui portent un sceptre, ni qui ont été choisis au hasard par la multitude, ou que le sort a favorisés, ou qui ont usurpé le pouvoir soit par la violence, soit par la ruse, mais ceux qui savent régner. Si l’on convenait que le devoir d’un gouvernant est d’ordonner ce qu’il est utile de faire, et celui d’un sujet d’obéir, il faisait voir que, dans un vaisseau, s’il se rencontre un homme qui ait l’expérience du commandement, le pilote et tous les autres matelots obéissent à son expérience ; qu’il en est de même dans l’agriculture pour ceux qui possèdent des champs ; dans la maladie pour les malades ; dans la gymnastique pour ceux qui s’exercent le corps ; que tous ceux, enfin, qui font une œuvre dont il faut connaître les procédés, emploient ces procédés quand ils les connaissent, mais que, s’ils les ignorent, ils obéissent à ceux qui savent, quand ils sont là, ou bien les font venir, s’ils sont absents, afin d’exécuter, d’après leurs ordres, les prescriptions nécessaires ; que, dans l’art de filer, les femmes elles-mêmes commandent aux hommes, parce qu’elles s’y connaissent, et que les hommes n’y entendent rien.

Si on lui objectait qu’un tyran est maître de ne pas suivre les bons avis qu’on lui donne : « Et comment, disait-il, est-il maître de ne pas les suivre, puisque la punition est toujours prête, quand il refuse d’écouter un bon avis ? car, en pareille occurrence, si l’on refuse de suivre un bon conseil, on fait des fautes, et ces fautes entraînent leur punition. »

Si on lui disait encore que le tyran peut ôter la vie à un sage conseiller : « Eh bien ! répondait-il, en donnant la mort à ses plus fermes appuis, crois-tu qu’il ne soit pas puni, ou même que sa peine soit légère ? crois-tu qu’il trouve sa sûreté dans une telle conduite, et qu’elle ne l’entraîne pas bien plus tôt à sa perte ?

Quelqu’un lui demandait quelle était, selon lui, la plus belle occupation de l’homme : « Bien faire[1], » répondit-il. On ajouta : « Y a-t-il donc un procédé pour faire bien ses affaires ? — Non,

  1. Il y a là un jeu de mots dont nous ayons essayé de donner l’idée, mais qui demande cependant une note explicative. Nous disons parfois familièrement d’un homme qui réussit, qu’il fait bien ; les Grecs le disaient tout ensemble d’une manière relative et d’une manière absolue, et entendaient conséquemment par là et bien agir et réussir.