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menceras par te faire un nom dans ton pays, puis dans toute la Grèce, et peut-être même, comme Thémistocle, jusque chez les barbares ; enfin, partout où tu iras, tu fixeras sur toi tous les yeux. » En entendant ces mots, Glaucon se redressait avec fierté et demeurait avec plaisir. Socrate continua en ces termes : « N’est-il pas évident que, si tu veux être honoré, tu dois rendre service à la république ? — Sans doute. — Au nom des dieux, ne me cache rien, dis-moi quel est le premier service que tu veux lui rendre. » Glaucon gardait le silence, cherchant en lui-même par où il commencerait, « Voudrais-tu d’abord, lui dit Socrate, de la même manière que s’il s’agissait d’enrichir la maison d’un ami, t’efforcer d’enrichir la république ? — Je le voudrais. — Le moyen de la rendre plus riche, n’est-ce pas de lui procurer de plus grands revenus ? — C’est tout naturel. — Dis-nous donc d’où se tirent aujourd’hui les revenus de l’État et quel en est le chiffre. Il est évident que tu en as fait une étude, afin de pouvoir suppléer aux produits qui se trouveraient trop faibles et remplacer ceux qui viendraient à manquer. — Mais, par Jupiter, reprit Glaucon, je n’y ai jamais songé. — Puisque tu n’as pas songé à ce point, dis-nous au moins quelles sont les dépenses de la ville : car il est certain que tu as l’intention de diminuer celles qui sont superflues. — Ma foi, je ne m’en suis pas non plus occupé. — Eh bien, remettons à un autre temps le projet d’enrichir l’État ; comment, en effet, y songer avant de connaître les dépenses et les revenus ? — Mais Socrate, dit Glaucon, on peut encore enrichir la république de la dépouille des ennemis. — Oui, sans doute, si l’on est plus fort qu’eux ; car si l’on était plus faible, on perdrait même ce que l’on a. — Tu dis vrai. — Celui qui veut, à l’occasion, pouvoir faire une guerre, doit donc connaître la force de sa nation et celle des ennemis, afin que, si sa patrie est la plus forte, il lui conseille de commencer les hostilités, et si elle est la plus faible, il lui persuade de se tenir sur la défensive. — Tu as raison. — Dis-nous donc d’abord quelles sont les forces de notre cité sur terre et sur mer, puis quelles sont celles des ennemis. — Ma foi, je ne puis te répondre ainsi sans préparation. — Mais si tu as écrit quelque chose là-dessus, je l’entendrai avec le plus grand plaisir. — Non ; par Jupiter, je n’ai absolument rien écrit. — Eh bien, alors, nous ajournerons aussi notre première délibération au sujet de la guerre ; peut-être, vu l’importance de l’objet et ton début dans les affaires, n’as-tu pas pu l’étu-