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par amitié pour Charmide, fils de Glaucon[1], et pour Platon, parvint seul à le rendre sage. Le rencontrant un jour et voulant tout d’abord se faire écouter, il engagea ainsi la conversation avec lui : « Glaucon, dit-il, tu t’es donc mis dans la tête de gouverner notre cité ? — Mais oui, Socrate. — Par Jupiter, c’est le plus beau des projets qu’un homme puisse former : car il est clair que, si tu parviens à ton but, tu seras en passe d’obtenir tout ce que tu désireras, de servir tes amis, d’élever la maison de tes pères, d’agrandir ta patrie. Tu com-

    Des richesses d’Athène approfondi les sources ?
    Vous savez quels objets forment nos revenus ?
    — Pas très-bien ; ils me sont, la plupart inconnus.
    — Vous êtes plus au fait, je crois, du militaire ?
    — Six mois sous Périclès j’ai servi volontaire.
    — Ainsi nous vous verrons de nos braves guerriers
    Par vos vastes projets préparer les lauriers ?
    Vous savez comme on fait subsister une armée,
    Par quels soins elle doit être instruite et formée ?
    — Je n’ai pas ces détails très-présents à l’esprit.
    — Vous avez la-dessus quelque mémoire écrit.
    J’entends. Mais non. Tant pis ; vous me l’auriez fait lire ;
    J’en aurais profité. Du moins vous pouvez dire,
    Si, payant nos travaux par des dons suffisants,
    L’Attique peut nourrir ses nombreux habitants.
    Prenez-y garde au moins ; une erreur indiscrète,
    Une mauvaise loi produirait la disette.
    Sur ce point important qu’avez-vous su prévoir ?
    — En vérité, Socrate, on ne peut tout savoir.
    — Pourquoi donc parlez-vous sur toutes les matières ?
    Je suis un homme simple, et j’ai peu de lumières :
    Mais retenez de moi ce salutaire avis :
    Pour savoir quelque chose il faut l’avoir appris
    De régir les États la profonde science
    Vient-elle sans étude et sans expérience ?
    Qui veut parler sur tout souvent parle au hasard.
    On se croit orateur ; on n’est que babillard.
    Allez, instruisez-vous ; et quelque jour peut-être
    Vous nous gouvernerez. » Glaucon sut se connaître ;
    Il devint raisonnable ; et depuis ce jour-là
    Il écouta, dit-on, bien plus qu’il ne parla.
    Chez le doux Xénophon, l’élève de Socrate,
    Son ami, son vengeur au sein d’Athène ingrate,
    J’ai lu ce dialogue, et je vous le traduit :
    Puisse-t-il corriger les Glaucons d’aujourd’hui !

  1. Il ne faut pas confondre ce Glaucon, dit l’Ancien, avec celui qui est interlocuteur de Socrate dans ce chapitre. Glaucon l’Ancien avait pour père Critias l’Ancien, pour aïeul paternel Aropide, ami de Solon, pour enfants Charmide et Périctioné, mère de Platon, pour frère Callœschrus, et pour neveu le tyran Critias.