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actions, comme le disent les grands hommes. Hésiode dit quelque part[1] :

Le vice est d’un accès engageant et facile,
La route en est unie et près du voyageur ;
Mais devant la vertu debout est la Sueur
Que les dieux ont commise à ce poste sublime
Et d’abord le sentier qui conduit à la cime
Est âpre, raboteux, difficile à tenir ;
Mais en gagnant le haut, on le voit s’aplanir.

Épicharme[2] aussi rend le même témoignage dans ce vers :

Le bonheur est un bien que nous vendent les dieux[3].

Et dans un autre endroit il dit encore :

Méchant, fuis la mollesse, ou bien crains la douleur.

Le sage Prodicus[4], dans son ouvrage sur Hercule, dont il a fait plusieurs lectures publiques, exprime les mêmes idées sur la vertu. Voici à peu près ce qu’il dit, autant que je me le rappelle. Il raconte qu’Hercule, à peine sorti de l’enfance, à cet âge où les jeunes gens, déjà maîtres d’eux-mêmes, laissent voir s’ils entreront dans la vie par le chemin de la vertu ou par celui du vice, se retira dans la solitude et s’assit incertain sur la route qu’il allait choisir. Deux femmes de haute taille se présentent à ses yeux : l’une décente et noble, le corps paré de sa pureté naturelle, les yeux pleins de pudeur, l’extérieur modeste, les vêtements blancs ; l’autre chargée d’embonpoint et de mollesse, la peau fardée pour se donner une apparence de couleurs plus blanches et plus vermeilles, cherchant par son maintien à paraître plus droite qu’elle ne l’est naturellement, les yeux largement ouverts, une parure étudiée

  1. Trav. et jours, v. 285 et suivants.
  2. Épicharme, né à Céos, poète et philosophe pythagoricien, florissait en Sicile vers 440 avant J. C. Il passe pour avoir inventé ou du moins perfectionné la comédie.
  3. Voltaire a dit :
    Le bonheur est un bien que nous vend la nature.
  4. Prodicus d’Iulis, dans l’île de Céos, disciple de Protagoras, donna dans Athènes des leçons d’éloquence et eut pour disciples Euripide, Socrate, Théramène et Isocrate. Aristophane s’est moqué de lui dans les Nuées et les Oiseaux. Pour le bel apologue d’Hercule au carrefour, cf. saint Basile, Disc, aux jeunes gens, chap. iv ; Cicéron, De offic, I, xxxii ; Lucien, le Songe, t.1, p. 3 de notre traduction. — Voyez, pour l’indication des autres imitations, la note de M. H, Martin, p. 13 de son édition classique des Mémoires sur Socrate.