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et serait convaincu d’être non-seulement un mauvais artiste, mais un charlatan[1] Malgré cela, dépensant beaucoup sans y rien gagner, perdu, en outre, de réputation, comment n’aurait-il pas une vie pénible, inutile et ridicule ? De même, si un homme voulait se donner pour bon pilote et pour bon général, sans l’être réellement, voyons ce qui lui arriverait. Est-ce que son désir de passer pour un homme capable de remplir ces emplois, sans pouvoir le persuader, ne le rendrait pas malheureux ? Et parvînt-il à le persuader, ne serait-il pas plus malheureux encore ? En effet, chargé de conduire un vaisseau sans le savoir, ou bien de commander une armée, il perdrait ceux même qu’il voudrait sauver, et se retirerait chargé de honte et de mépris. »

Socrate faisait voir de la même manière qu’il n’y a nul profit à se faire passer pour un homme riche, courageux ou robuste, quand on ne l’est pas. Chargé d’emplois au-dessus de ses forces, et ne pouvant les remplir, tout en en paraissant capable, on n’obtient aucune indulgence. Il appelait fourbe insigne celui qui vole de l’argent ou tout autre objet qu’il a reçu de confiance, mais fourbe plus grand encore l’homme sans valeur, dont l’effronterie cherche à convaincre qu’il est capable de diriger l’État. Pour moi, je crois que Socrate détournait ses disciples du charlatanisme, en leur tenant ce langage.


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  1. On lira avec intérêt, je l’espère, comme un commentaire naturel de ce passage, l’anecdote racontée par Lucien sur un certain Évangélus qui vint se faire siffler et fouetter aux jeux pythiques. Voy. Lucien, Contre un ignorant bibliomane, t. II, p. 275 et suivantes de notre traduction.