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NOS MAÎTRES

pour endommager quelques convietions séculaires, les faits de la suggestion verbale pouvaient aisément s’expliquer. Lorsqu’un homme, dans la rue, accoste un autre homme, et veut l’amener à, par exemple, déjeuner avec lui, parfois il arrive que rhomme accosté regimbe devant cette aimable perspective. Les lois de son esprit lui fournissent de forts motifs en faveur d’un autre acte, comme, par exemple, de ménager son estomac en ne mangeant pas au restaurant ce jour-là. Si donc l’homme qui insiste, à force d’arguments et de prières, amène l’autre homme à vouloir enfin déjeuner au restaurant avec lui, il lui aura suggéré des motifs plus forts en faveur de cet acte amical, il aura changé une volition, il aura transmis à son hôte une résolution étrangère. Mais il y a eu discussion, conflit, parce que l’autre homme gardait ses motifs antérieurs avec toute leur force. Si maintenant on suppose cet autre homme amené, par un affaiblissement de son organisme nerveux, à l’annulation des motifs qui l’engageaient à ne point déjeuner, il suffira d’une invitation, d’un ordre, pour fournir à cet homme un motif d’action, et l’action qui en naît. Les demoiselles de la Salpêtrière. ayant perdu l’énergie de leurs motifs personnels, acceptent aussitôt les motifs qu’on leur suggère : et les voilà devenues à volonté (ayant perdu toute la raison d’être ce qu’elles étaient la veille) soldats, députés, princesses, et tout le reste. Fait absolument simple ; et le trône des lois scientifiques n’a pas à en être ébranlé.