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» — Que m’importe de mourir, Nefert-thi ! Autrefois, j’aimais la vie, et j’aimais à conduire ton père à la guerre ou à la chasse, j’aimais à boire la bière parfumée, j’aimais à entendre le doux chant des esclaves, j’aimais les caresses de leurs lèvres. Maintenant, je n’aime plus que toi.

» — Malheureux ! Je suis consacrée à notre père, au dieu Aten ! Je ne puis t’écouter ! Va-t’en !

» Mais, sans doute, il devinait le mensonge de mes paroles, il s’apercevait que la tendresse de mes regards en démentait la sévérité ; il prit ma main et la baisa, et je ne la retirai pas, moi, parjure, infidèle à mon vœu.

» Depuis lors, chaque fois que la lune était nouvelle, Améni venait dans le jardin me rejoindre ; les prêtres savaient que je passais la nuit à cueillir les herbes sacrées, et Meryra me croyait occupée à les récolter dans les ténèbres ; mais je faisais ma moisson à la hâte, et j’attendais Améni cachée dans les roseaux, et les grands crocodiles s’éloignaient de mon regard qui les fascinait.

» Le Dieu fut irrité, sa main s’appesantit sur moi. Les prêtres d’Ammon avaient placé auprès de nous des espions qui les renseignaient ; ils savaient que la prêtresse Nefert-thi aimait un homme ; ils connaissaient mes entrevues nocturnes avec Améni.

» Une nuit, nous fûmes surpris ; on m’entraîna. Un des assaillants, en qui je reconnus un des prêtres de Râ, me plongea son poignard dans la gorge, puis il s’enfuit, emmenant ses compagnons. Lorsque Améni, qui s’était débarrassé de ses agresseurs, arriva pour me secourir, la vie s’était échappée de mon corps. Il dissimula son désespoir de peur de révéler notre faute. Il fit enlever mon cadavre et, prétextant sa reconnaissance pour la guérison que je lui avais obtenue, il demanda au roi la permission de m’élever un tombeau. Ce tombeau fut creusé dans la vallée perdue des montagnes occidentales, non loin de Thèbes. »