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Elle examinait affectueusement Rogers et soufflait de temps en temps sur lui ; chaque fois que l’haleine de l’Égyptienne le caressait, l’Anglais respirait une odeur délicieuse et sentait la conscience lui revenir plus complètement. Il regardait avec surprise la jeune fille, et avait sans doute l’air assez désorienté, car Nefert-thi se mit à rire, découvrant ses dents pareilles à des perles.

L’original de la momie se décida enfin à parler ; elle s’exprimait dans sa langue ; Rogers cette fois la comprenait, non qu’il saisît le sens des mots isolés, mais il percevait l’idée que voulait exprimer sa jolie visiteuse. Voici la première conversation qu’il eut avec la fille du pharaon.

— Que j’ai été heureuse de te retrouver !

— Moi ?

— Toi-même ! Améni, que j’entends appeler aujourd’hui Rotcherssé. Mon âme t’attendait, elle savait que tu devais rompre l’enchantement abominable de ceux qui m’ont tuée ; mais je croyais que tu accomplirais l’œuvre dans notre pays.

— Dans notre pays ?

— Tu as donc oublié ?

Et la momie fronça son royal sourcil.

— Je ne sais pas ! Je ne sais pas ! dit misérablement Rogers.

— Je vois maintenant ce qui est arrivé. Lasse d’attendre, ton âme a pris un nouveau corps, infidèle à celui que tu avais animé jadis, au temps heureux où florissait la terre du divin soleil.

— Je ne comprends pas, madame. Je suis Edward Rogers, et non pas Améni.

— Édouarte Rotcherssé, reprit dubitativement la momie. Mais alors pourquoi ressembles-tu à Améni ? Pourquoi suis-je attirée vers toi comme je ne puis l’être que vers lui ?

— Mais qui donc êtes-vous, madame ? demanda timidement le précepteur.

— Je suis Nefert-thi.

— Qui est Nefert-thi ?

Cette question déplut à la momie, qui prit un air offensé et répliqua avec beaucoup de majesté :

— Mon père était Khounaten, le pharaon puissant. Moi, je dirigeais le collège des prêtresses du Soleil, dans le temple qu’il avait fait construire près de son palais, au bord du Nil inoubliable.