— Ce que je pense ? Il m’est bien difficile de vous le dire. Je ne crois pas que la nature gaspille ses forces inutilement ; or, comme je crois que la vie individuelle est une réalité ; plus certaine que la vie universelle, puisque nous n’observons la vie que chez des êtres individualisés, je suis disposé à penser que l’individu a une existence réelle ; c’est lui qui est le substratum de la vie, la force qui lui sert de point d’appui.
» Or je ne conçois pas des forces individuelles qui naissent et disparaissent sans nécessité ; il me semble au contraire certain que les individualités qui ont permis à la vie de se manifester sont aussi permanentes que la vie elle-même.
» C’est l’âme qui façonne le corps, elle doit le faire et le refaire des milliers de fois afin d’arriver graduellement à des formes de plus en plus parfaites.
Elle doit se créer d’abord des organes propres à la vie matérielle, aptes à l’assimilation, à la circulation, à la respiration ; que de millions d’années a-t-il fallu aux âmes les plus habiles pour constituer l’appareil digestif, les systèmes circulatoire et respiratoire, tout ce qui maintient la vie animale ? On ne le saura jamais.
» La vie intellectuelle supérieure n’est possible que si les fonctions animales s’exercent mécaniquement, sans l’intervention de la conscience et de la volonté ; voilà pourquoi nous vivons, nous respirons, nous faisons courir le sang dans nos veines sans effort ; ces fonctions sont devenues inconscientes et automatiques pour laisser le champ libre à notre intelligence.
— Mais le progrès ?
— Vous me posez là un problème bien délicat à résoudre.
» Le progrès n’est possible que par l’association. Il est probable que l’âme n’est pas une entité unique, mais une synthèse, c’est-à-dire que toute âme d’ordre supérieur, avancée dans l’évolution, est une association d’â-