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rire éclaira sa figure brune, et elle appuya la main sur la tête de Rogers.

— Alors tu n’iras pas, Améni ?

Les femmes, même lorsqu’elles sont déduites à l’état de spectre, semblent conserver l’entêtement délicieux de leur sexe volontaire.

Rogers n’avait aucune connaissance pratique de la psychologie féminine ; ce qui eût semblé parfaitement naturel à un homme expérimenté, lui parut la marque d’une obstination condamnable.

— Tu n’es pas raisonnable, dit-il avec une pointe d’humeur, tu me demandes l’impossible.

— Eh bien ! vas-y ! vas-y ! mais que Shekmet te fasse mourir, toi, et tous ces barbares !

Rogers ne savait quelle contenance prendre. Jusqu’ici, ses relations avec Nefert-thi avaient conservé un caractère plus intellectuel que passionné. La momie, ou son double, s’était montrée, sans doute, tendre et caressante, mais elle avait surtout témoigné de l’empressement à instruire son amoureux.

Elle n’avait manifesté la violence africaine de ses sentiments qu’en maltraitant l’innocente Effie ; toutefois, Rogers n’avait pas été le témoin de cette scène véhémente et brutale. Le désespoir et la fureur de Nefert-thi lui parurent en conséquence extraordinaires.

— Nefert-thi, voyons ! Sois raisonnable.

— Non ! tu n’es qu’un ingrat. Je te déteste ! Je regrette de t’avoir appris toutes les choses qui t’ont rendu illustre ! Je regrette de t’avoir montré mon amour ! Va-t’en ! Tu me fais horreur !

Et l’Égyptienne disparut brusquement, elle alla sans doute s’abriter dans sa momie, car elle poussa toute la nuit des gémissements qui empêchèrent Rogers de dormir ; son insomnie lui parut d’autant plus cruelle qu’il se désespérait d’avoir fait de la peine à sa chère Nefert-thi.