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une secrète perception des forces dont l’intelligence est l’expression, que les religions assimilent le Verbe au Créateur ; les sons, dont les combinaisons forment les paroles et les phrases, composent la matière dans laquelle la pensée trouve sa réalisation concrète. La voix attire ou repousse, séduit et attache, ou déplaît et sépare. Elle caresse comme une musique, ou blesse comme un déchirement.

Magda subit le charme de la voix de Rogers. Son émotion fut si profonde qu’elle balbutia une réponse stupide à l’interrogation banale du jeune homme.

— Vous aimez cette momie, mademoiselle ?

— Oui, monsieur.

— Voilà deux ou trois jours que je vous aperçois ici.

— À peu près, monsieur.

— Vous habitez Londres ?

— Oui… c’est-à-dire non…

Rogers sembla écouter quelqu’un ; ses grands yeux bruns se fixaient sur des choses invisibles à Mlle Roberty. Celle-ci était encore troublée par l’émotion intense que lui avait donnée la voix grave et chantante du jeune Anglais. Elle ne comprenait pas ce trouble ; les sentiments délicats que son éducation avait développés s’offensaient de la familiarité avec laquelle Rogers lui adressait la parole, et cependant elle ne pouvait s’empêcher de trouver qu’il avait la voix douce, la figure sympathique, le regard agréable. Il lui semblait que l’air était plus frais auprès de lui ; elle se sentait calme, reposée, alanguie par une impression de bien-être exquis.

Tout à coup, Rogers tressaillit. Il tourna son regard vers Magda, et dit à voix basse :

— C’est celle qui doit venir ?… Elle est belle et te ressemble, Nefert-thi.

L’entrée d’une jeune fille portée sur une civière détermina un remous dans la salle. Magda fut séparée de Rogers. Elle prit le bras de M. Roberty.

— Rentrons, père.

— Es-tu souffrante ? Je te trouve pâle.

— Un peu de migraine… Cette foule… Viens.