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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

Les érables et les cerisiers, à l’automne et au printemps, en avril et en novembre, laissent tomber leurs feuilles rouges et leurs fleurs rose carmin sur sa grosse tête bouclée et ses rondes épaules ; dans son dos, deux larges panneaux s’ouvrent pour laisser pénétrer l’air et la lumière. Adieu, bon vieux Bouddha ; tu es le premier qui aies l’air humain et qui me plaises.

À quelque distance du Daibutsu, dans le flanc de la montagne, un temple en ruine abrite la statue de Kwannon, la déesse de la miséricorde. Cette statue, d’une seule pièce de bois de camphrier doré, mesure vingt pieds de hauteur. Elle a onze faces, afin de tout voir dans l’univers ; et six mains, pour recevoir et donner. Je ne sais pourquoi elle a été reléguée derrière l’autel de son temple qui tombe de vétusté (il existe depuis sa fondation en l’an 735 A.D.), sous un abri délabré, un vieux hangar, dont les planches mal jointes laissent passer le vent et la pluie, sans permettre à la lumière de pénétrer suffisamment pour qu’on puisse contempler ses traits. Du reste, elle est si étroitement logée dans sa petite cellule qu’il faut rejeter la tête en arrière pour voir le dessous de deux ou trois de ses onze nez que l’un de ses prêtres illumine au moyen de deux fanaux hissés au niveau du chef de la déesse par des cordes glissant sur des poulies. La vertu de miséricorde, évidemment, n’est pas en honneur ici.

Après la douceur, la clémence, la bonté, la miséricorde, voici à côté, la vengeance, le châtiment : le temple d’Ennoji, dédié à Emma O, régente de l’enfer, statue sculptée par l’artiste Unkéi ; plus loin, le sanctuaire dit de Kamakura, fondé en 1869 et dédié au prince Morinaga ; il contient le donjon où ce prince fut emprisonné par un de ses rivaux et finalement assassiné par lui.

Au pied de l’escalier de cinquante et une marches qui conduit au temple d’Hachiman, précédé de trois vieux toris élevés sur l’avenue aboutissant à la mer, la légende indique un vieil arbre de mille ans d’existence qui marque l’endroit où fut assassiné un prince de sang impérial. Ayant résolu de faire un pèlerinage à ce sanctuaire, le prince fut