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parcours de l’Inde de l’est à l’ouest, plus de deux mille milles. Changement de train à Ahmedabad. Nous sortons de la gare et marchons à travers des centaines de pauvres diables sans feu ni lieu, couchés à terre, les uns nus, les autres enroulés dans de sales haillons ; triste spectacle pour des regards européens. Il ne faut pas trop s’apitoyer, cependant. Ceux qui s’y connaissent affirment que ces gens, nés dans la poussière et dans l’ordure, se trouvent bien dans leur élément, sont heureux et n’aspirent à rien autre chose. Je n’ai pas le temps de faire une enquête pour m’en assurer. En bon pharisien, je m’installe dans mon compartiment de première, en remerciant l’Éternel de m’avoir fait naître sous d’autres cieux.

26 mars — Près d’une heure avant d’entrer dans la gare centrale, réputée l’une des plus belles et des plus grandes du monde, notre train roule dans la ville. Bombay est la rivale de Calcutta. Je n’hésite pas à décerner la palme à la première. Son port est parsemé d’îles montagneuses et pittoresques ; il forme un arc parfait dont l’un des bouts est Colaba Point et l’autre Malabar Hill. Du haut de cette colline, l’œil embrasse la ville entière avec ses temples, ses clochers, sa tour de l’horloge, ses dômes, ses coupoles qui percent, ses arbres qui bordent les rues et ombragent les parcs publics. C’est une des belles villes du monde. Population : près d’un million et quart ; édifices publics de toute beauté, rues très larges et très propres dans la partie européenne ; la partie réservée aux indigènes est des mieux tenue. Il faut voir les palais et les bungalows particuliers des maharajahs et des Banians ; c’est ainsi que l’on appelle les gens riches, les millionnaires : appellation symbolique, ingénieuse et significative.

Le banian est un figuier dont les branches prennent racine dès qu’elles touchent le sol ; l’arbre, ainsi se multipliant, forme bientôt une forêt impénétrable dont chaque rejeton tient à la tige maîtresse et couvre bien vite tout le terrain.