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rais à entrer à Normale. Mon père, dégoûté de son pensionnat, aspirait à me le flanquer sur le dos. Je paraissais en prendre mon parti. L’avenir s’annonçait beau… Mais voici qu’une espèce de grand journal ouvrit un grand concours pour un grand prix de poésie. Amorcé par tant de grandeurs, j’élucubrai un ramas de quinze quatrains, bien solennels, bien gras, Victor Hugrotesques à réjouir l’âme gobeuse de Tristan Legay. Ah ! les cochons ! ils m’ont collé le grand prix : mille balles ! Je les apportai à mon père, en ayant soin de lui déclarer : « Voilà cinquante louis. Alors, tu comprends, je lâche Normale. » Bien entendu, mon père n’a pas compris, ni ce jour-là, ni un autre, ni jamais. Il a bazardé sa maison de Neuilly, avec ses potaches, ses escargots et ses haricots rouges, pour partir se fixer dans la Brie, y entraînant ma mère. À la Noël, il m’adresse un fromage, et, à part ça, cent francs par mois. C’est réglé comme ne le fut pas souvent la prolifique mère Gigogne. Si un fromage surérogatoire, si un supplément de cent sous devaient m’empêcher de crever, papa, héroïque à la