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masse de pourpre frissonnante barrée de lignes d'or,

 insensible à la joie et à la souffrance, et ballottée
 dans les dédales terribles de mers furieuses sous les
 coups des vents.
 Cette ardente et vigoureuse flamme dont brûlent
 nos corps, elle fera peut-être resplendir d'asphodèles
 quelques prairies, oui, et ces seins d'argent, les
 tiens, deviendront perles d'eau. Les terres brunes
 que labourent les hommes seront rendues plus fécondes
 par nos amours de cette nuit. Rien n'est
 perdu dans la nature; toutes choses vivent en dépit
 de la Mort.
 Le premier baiser de l'adolescent, la première
 clochette de l'hyacinthe, la dernière passion de
 l'homme, la dernière lance rouge qui jaillit hors
 du lis, l'asphodèle qui ne veut point laisser ses
 fleurs s'épanouir par effroi de sa trop grande beauté
 et par réserve pudique, comme celle qu'éprouve la
 jeune fiancée sous le regard de son amoureux, ce
 sont là autant de choses
 que consacre un unique sacrement. Nous ne
 sommes pas seuls à avoir la passion de l'hyménée.
 La terre aussi l'éprouve. Les jaunes boutons d'or,
 que le rire secoue, connaissent à la pointe du jour
 un plaisir aussi réel que nous, quand dans un bois
 plein de fraîches fleurs, nous respirons le printemps
 sur notre coeur, et sentons que la vie est bonne.