Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

ombre pour regagner sa demeure, quand de grosses

 gouttes de pluie tombèrent lourdement sur les
 feuilles des figuiers, il se leva.
 Il quitta la sombre forêt, longea dans les ténèbres
 les murs de la ferme et la clôture du verger humide
 ; il arriva enfin à un petit quai, fit monter à
 bord ses matelots, reprit sa place sur la haute poupe,
 et gagnant le large, il détendit la voile ruisselante.
 Il traversa la baie, et quand neuf soleils eurent
 descendu les degrés de la longue roule d'or, quand
 neuf lunes pâlies eurent murmuré leurs prières à
 leurs confesseurs, les chastes étoiles, ou conté leurs
 secrets les plus chers aux papillons veloutés qui se
 refusent à voler au grand jour, alors à travers
 l'écume et l'embrun orageux,
 arriva une grande chouette aux yeux d'un jaune
 de soufre. Elle s'abattit sur le vaisseau dont les
 charpentes craquèrent comme si la voûte avait
 contenu la charge de trois navires marchands. Elle
 battit des ailes, et jeta un cri aigu, et aussitôt les
 ténèbres s'épaissirent dans l'espace. L'épée d'Orion
 rentra dans son fourreau, et le redoutable Mars lui-même
 descendit en fuyant.
 Et la lune se cacha derrière un masque à la
 teinte de rouille que lui firent des nuages errants.
 Et du bord de l'océan monta l'aigrette rouge, le
 vaste beaume cornu, la lance de sept coudées, le