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une forme qui le rappelât aux yeux des hommes, c’est-à-dire sous une forme scénique dans une pièce que l’on irait voir jouer.

Pendant deux semaines, je travaillai avec acharnement sur les Sonnets, sortant à peine et refusant toutes les invitations.

Chaque jour, il me semblait que je découvrais quelque chose de nouveau et Willie Hughes devint pour moi une espèce de compagnon spirituel, une personnalité toujours dominante.

Je finis presque par m’imaginer que je l’avais vu debout dans l’atmosphère de ma chambre tant Shakespeare l’avait clairement dessiné avec ses cheveux d’or, sa tendre grâce de fleur, ses doux yeux aux profondeurs de rêve, ses membres délicats et mobiles et ses mains d’une blancheur de lis.

Son seul nom exerçait sur moi une vraie fascination. Willie Hughes ! Willie Hughes ! Comme il avait un son de musique ! Oui, quel autre que lui pouvait être « le maître et la maîtresse de la passion » de Shakespeare[1],

  1. Sonnet XX, 8.