Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se tient en dehors de son sujet, et par l’intermédiaire de ce sujet, il produit des effets incomparables et artistiques.

Qualifier un artiste de morbide, parce qu’il a affaire à l’état morbide dans le sujet qu’il traite, c’est aussi sot que de traiter Shakespeare de fou parce qu’il a écrit le Roi Lear.

À tout prendre, l’artiste gagne à être attaqué, en Angleterre. Son individualité est intensifiée : il devient plus complètement lui-même. Comme de juste les attaques sont très grossières, très impertinentes et très méprisables. Mais nul artiste ne s’attend à trouver de la grâce dans un esprit vulgaire, du style dans un intellect de provincial.

La vulgarité et la stupidité sont deux faits fort vivants dans l’existence moderne, on le regrette, c’est tout naturel. Mais ils sont là. Ce sont des sujets d’étude comme n’importe quelle autre chose.

Et il n’est que juste de constater, à propos des journalistes modernes, qu’ils s’excusent toujours en particulier, de ce qu’ils ont écrit publiquement contre un homme.