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INITIATION MUSICALE

vain, un gentilhomme amateur de mécanique s’associaient pour exploiter la salle du Palais-Royal. Ils venaient de réussir, Molière étant mort, à en chasser sa troupe de comédiens. Lulli, petit homme myope, aux yeux rouges, très intrigant[1] ; Perrin, pauvre diable se disant poète ; Sourdeac, gendre du marquis de Garancière, ne rêvant que machineries, voilà les fondateurs de notre Académie de musique.

À ses qualités négatives l’intrigant Lulli joignait celles d’un musicien particulièrement doué et d’un administrateur émérite. Dès 1672, il créait à l’Opéra une école de chant et de déclamation, seule et unique en France jusqu’en 1784. Alors un décret royal établit, dans l’hôtel des Menus-Plaisirs, « une institution où les élèves qui se destinent au théâtre recevront des leçons d’habiles maîtres chargés de leur enseigner la musique, la composition, la déclamation, le clavecin, la langue française ». Huit ans plus tard, l’institution devient l’École gratuite de la Garde nationale parisienne ; puis, par décret du 10 Thermidor an III (3 août 1795), notre Conservatoire de musique et de déclamation.

Le premier vrai maître français, celui qui

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  1. Perrin le traitait de voleur, Sourdeac de brigand, La Fontaine de maraud, Boileau de coquin ténébreux ; quant à Molière, il ne prononçait pas son nom, mais haussait les épaules.
    xxxLes fonctions de Lulli à la Cour lui rapportaient 90 000 livres sans compter cadeaux et gratifications. Pendant quinze ans, il eut le monopole des théâtres. Aucun autre musicien ne put se faire jouer.
    xxxÀ l’angle de la rue Sainte-Anne et de la rue des Petits-Champs, sa maison conserve les trophées d’instruments caractéristiques : malheureusement le rez-de-chaussée, envahi par le commerce, ne rappelle pas l’ancien propriétaire. Son tombeau est à Notre-Dame-des-Victoires, nef gauche.