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cœurs si proches l’un de l’autre ; puis il songea avec un retour de tristesse que Ned et Ruth n’avaient pas besoin, eux, de cacher leur bonheur.

Il sortit ses chevaux de l’écurie de Hale et reprit le chemin de la ferme. Le froid était moins âpre que pendant le jour ; de gros nuages moutonneux annonçaient une nouvelle tombée de neige pour le lendemain. De-ci, de-là, une étoile perçait la nuit et creusait alentour une profondeur bleuissante. Dans une heure ou deux, la lune se lèverait au-dessus de la montagne, derrière la ferme ; elle s’ouvrirait un chemin doré à travers les nuages, puis serait de nouveau voilée par eux. Une paix mélancolique s’étendait sur les champs ; on eût dit que la diminution du froid leur causait un soulagement, et qu’ils s’assoupissaient plus mollement, de leur long sommeil d’hiver.

L’oreille d’Ethan guettait le tintement des clochettes de Eady, mais aucun bruit ne troublait le silence de la route déserte. En approchant de la ferme il aperçut, à travers le léger rideau de mélèzes, une lumière qui tremblotait au loin à une des fenêtres. « Elle est là-haut, pensa-t-il. Elle se prépare pour le souper… » Puis il se rappela le coup d’œil railleur que Zeena avait eu, lorsque, le soir de son arrivée, Mattie s’était mise à table, les cheveux lissés, un ruban autour du cou…