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— J’en vois une là-bas, sous les sapins.

L’alezan se tenait paisiblement au bord de la route, inclinant sa vieille tête songeuse. Ethan le recouvrit de la peau d’ours ; puis il saisit la main de Mattie et l’entraîna à sa suite vers la luge.

Elle s’y assit docilement et il prit place derrière elle. Ils étaient si près l’un de l’autre que les cheveux de Mattie lui frôlaient le visage.

— Vous êtes bien, Mattie ? lui cria-t-il, comme s’il y avait entre eux toute la largeur de la route.

Elle se retourna pour lui dire :

— Il fait bien sombre… Êtes-vous sûr d’y voir ?

Il eut un rire dédaigneux.

— Je pourrais descendre cette côte les yeux fermés !

Cette audace sembla lui plaire, et elle rit avec lui.

Néanmoins, il attendit encore un moment, parcourant attentivement des yeux la longue descente, car c’était l’heure la plus trompeuse de la soirée, l’heure où la dernière clarté du ciel se confond avec la nuit naissante pour former une obscurité qui dénature les objets familiers et fausse les distances.

— Allons ! cria-t-il.

La luge partit d’un bond, et ils glissèrent à travers le crépuscule à une allure de plus en plus rapide. Devant eux la nuit creusait un gouffre noir, et l’air résonnait à leurs oreilles comme le chant d’un orgue.