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Peut-être vaut-il mieux nous séparer. Je m’en vais dans l’Ouest tenter la chance. Je vous laisse la ferme et la scierie. Vous pouvez les vendre et garder l’argent.

Sa plume s’arrêta sur ce mot, qui brutalement le ramenait à la réalité impitoyable. S’il donnait la ferme et la scierie à Zeena, que lui resterait-il à lui-même pour se refaire une vie ? Une fois dans l’Ouest il était bien certain de trouver du travail. Seul, il n’eût pas craint de risquer l’aventure. Mais avec Mattie la situation serait autre… Et quel serait, d’autre part, le sort de Zeena ? La maison et la scierie étaient hypothéquées jusqu’à la limite de leur valeur. Dans le cas déjà improbable, où elles trouveraient acquéreur, il était douteux que sa femme retirât de la vente plus d’un millier de dollars. En attendant, comment pourrait-elle exploiter la propriété ? C’était seulement par un labeur incessant et une surveillance personnelle qu’il arrivait, lui, à en tirer un maigre rendement ; et, même en admettant que sa femme fût en meilleure santé qu’elle ne se l’imaginait, jamais elle ne parviendrait à porter seule un pareil fardeau.

Elle pourrait, il est vrai, rentrer dans sa famille : elle verrait alors ce que ses parents étaient prêts à faire pour elle. C’était la solution qu’elle imposait à Mattie ; pourquoi ne pas lui laisser courir le risque