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préoccupé… Aujourd’hui, c’était elle qui le dominait et il la détestait de toute son âme.

Mattie, en effet, était la parente de Zeena, non la sienne. Il n’était donc pas en son pouvoir de contraindre sa femme de garder la jeune fille auprès d’eux… Mais toute la longue misère de sa vie manquée, de ses efforts inutiles et de ses ambitions trompées, lui remontait en cet instant avec amertume à la mémoire, et semblait s’incarner en la femme assise là devant lui, cette femme qui, à chaque tournant de son existence, lui avait barré le chemin. Tout ce qu’il avait souhaité, c’était elle qui l’avait empêché de le réaliser et voici que, maintenant encore, elle prétendait le priver de la seule joie qui lui fît prendre son malheur en patience… Un moment, il sentit jaillir en lui une telle flamme de haine qu’il eut un frisson dans le bras et que son poing se crispa, prêt à tomber sur elle… Brusquement, il fit un pas en avant, et s’arrêta.

— Vous… vous ne descendez pas ? dit-il avec égarement.

— Non ; je crois que je vais m’étendre un peu sur le lit, répondit-elle d’une voix dolente.

Frome lui tourna le dos et sortit. Dans la cuisine Mattie était assise auprès du poêle, le chat roulé sur ses genoux. Lorsque Ethan entra, elle se leva vivement et déposa sur la table le pâté qu’elle tenait au chaud.