Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’une femme peut, comme un homme, rompre avec son passé. Mais il constatait à présent qu’Alice était liée au sien par des nœuds qui ne se pouvaient défaire, et par les marques ineffaçables que lui avaient imprimées ses deux maris. Avec une ironie amère Waythorn se compara à un membre de syndicat. Il avait plusieurs parts sur la personnalité de sa femme, et ses prédécesseurs étaient ses associés dans l’affaire. Si la passion avait été un des facteurs de cette transaction il ne se serait pas senti aussi amoindri ; mais le fait qu’Alice changeait de mari comme on change de domestique donnait à sa situation un cachet de médiocrité humiliante. Il aurait pu lui pardonner des fautes, des folies ; il aurait admis qu’elle résistât à Haskett, qu’elle cédât à Varick, mais il ne comprenait pas sa passivité et son tact constant. Elle lui rappelait le jongleur qui jongle avec des lames : seulement, cette fois, les lames étaient émoussées, et elle savait qu’elles ne la blesseraient jamais.

Puis, peu à peu, l’habitude revêtit sa sensibilité d’une enveloppe protectrice : s’il achetait la paix de son ménage par la perte de ses illusions, il attachait chaque jour plus de prix à cette paix et sacrifiait ses illusions avec moins de regrets. Il avait petit à petit accepté sa situa-