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partie de son temps dans la maison. Ce durent être pour lui des jours bien cruels, mais il ne se plaignit pas et me reçut toujours avec une parole enjouée. Lorsque ses élèves l’eurent quitté, et que sa santé l’eût empêché de chercher du travail au dehors, il mit à sa porte une enseigne d’écrivain public, et gagna ainsi quelques sous en servant de secrétaire à mes pauvres paroissiens ; mais il lui était pénible de prendre leur argent et la moitié du temps il faisait le travail pour rien. Je savais qu’il lui était très dur de vivre, comme il le disait, à la charge de quelqu’un, et je lui cherchais de l’occupation parmi mes amis les « negozianti », qui lui envoyaient des lettres à copier, des comptes à faire et autres travaux de ce genre ; mais nous étions tous pauvres, et ce qu’il gagnait ne suffisait plus à ses modestes besoins.

Ainsi vécut cet homme juste, et c’est ainsi qu’il mourut dans mes bras après huit ans d’exil. Dieu, qui l’avait laissé vivre assez longtemps pour voir Solferino et Villafranca, ne fut jamais plus miséricordieux qu’en lui épargnant le spectacle de Monte-Rotondo et de Mantoue. Mais ce sont des choses dont je n’ai pas le droit de parler. Bien que l’Italie nouvelle n’ait pas réalisé notre rêve, il est écrit que Dieu connaît les siens, et il ne peut méconnaître les