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une terre. Là où deux domaines se touchent, on unit deux êtres. Quant à la jeune fille sans dot, c’est un bibelot que l’on donne au plus offrant. Faustina fut donnée à son acquéreur comme si elle eût été un tableau pour sa galerie ; et la transaction lui parut sans doute aussi naturelle qu’à ses parents. Elle marcha à l’autel comme une Iphigénie, mais la pâleur sied à une mariée, et une fille bien élevée doit pleurer en quittant sa mère. Il en aurait peut-être été autrement si elle avait deviné quel amour la guettait au seuil de sa nouvelle demeure et quelle tendresse était prête à l’envelopper ; mais son mari était un homme silencieux, qui ne savait pas exprimer ce qu’il sentait.

Le grand palais Siviano était une demeure sévère pour une jeune fille. Roberto et sa sœur l’avaient habité comme s’il eût été un monastère, ne sortant jamais et ne recevant que ceux qui travaillaient pour la « cause ». Pour Faustina, habituée à la société autrichienne, facile et accueillante, les réceptions du dimanche soir, au palais Siviano, durent sembler aussi tristes qu’un congrès scientifique. Roberto se complaisait à la regarder comme la victime de l’insolence des barbares, une personnification de son pays profanée par la convoitise de l’ennemi ; mais bien que Faustina eût, comme toute fille