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vaincus », et un autre répondre en riant : « Oui, c’est un mets digne d’être servi à la table des vainqueurs. »

La jeune fille avait entendu. Elle était devenue blanche comme l’anémone des bois, puis rouge comme si les mots l’eussent souffletée. Elle murmura quelques mots à l’oreille de son père, qui se contenta de secouer la tête et de l’emmener, sans même regarder les Autrichiens. Roberto entendit la messe, puis se hâta d’aller se poster sous le porche de la cathédrale. Un instant plus tard, les officiers passèrent et se placèrent aussi sur le seuil de la porte. La jeune fille ne tarda pas à sortir au bras de son père. Ses admirateurs s’avancèrent pour saluer Intelvi, et celui-ci, avec sa servilité habituelle, échangea avec eux des formules de politesse, tandis que leurs regards insolents détaillaient la beauté de la jeune fille.

La pauvre enfant tremblait comme une feuille, et ses yeux, en fuyant ceux des Autrichiens, rencontrèrent ceux de Roberto. Son regard s’envola vers lui, tel l’oiseau blessé qui cherche un refuge, et Roberto l’accueillit dans son cœur. Il lui sembla que c’étaient les yeux de l’Italie qui le regardaient à travers ceux de la jeune fille, car l’amour, habile comédien, sait se déguiser de mille façons.