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il me vint comme un mirage d’amour. Tous les livres et les articles qu’on écrivit sur lui, tous les comptes rendus, toutes les « vies », étaient remplis de discrètes allusions à Silvia. Je redevins à nouveau la Mrs Anerton des jours de gloire. Les femmes romanesques et les chers jeunes gens comme vous devenaient tout roses quand quelqu’un murmurait : « C’était à Silvia que vous parliez. » Les imbéciles me demandèrent des autographes, les éditeurs me pressaient d’écrire mes souvenirs sur lui, les critiques me consultaient sur l’interprétation des vers douteux. Et je savais que, pour tous ces gens, j’étais la femme que Vincent Rendle avait aimée.

« Au bout d’un certain temps, ce feu-là s’éteignit aussi, et je demeurai seule avec mon passé, ou même toute seule, car Vincent n’avait jamais été réellement auprès de moi. L’union intellectuelle ne comptait plus pour rien. Ç’avait toujours été l’âme dans l’âme, jamais la main dans la main, et il n’y avait pas de petits détails auxquels se rattacher.

« Alors commença une sorte d’hiver arctique. Je m’enterrai en moi-même comme dans une hutte contre la neige. Je haïssais ma solitude et je redoutais pourtant tout ce qui eût pu la troubler. Cette phase-là passa naturellement, comme