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les pirates de la mer

gorge dans les rochers entre lesquels poussaient des buissons aux branches sèches, qui sortaient comme des épines entre les feuilles, et il se cacha dans une sorte d’excavation. Il rencontra là son compagnon, un berger qui avait aussi échappé au massacre. Estimant peu de chose le froid, la faim et la soif à côté de la cruauté des Kurdes, ils continuèrent à escalader les hauteurs parmi les neiges et les glaces. Ils errèrent ainsi pendant trois longs jours. Le troisième jour ils eurent une vision. Je crois que les gens affamés ont souvent des visions, mais dans le cas présent nous avons ce fruit.

Il leva dans sa main le fruit enveloppé d’argent.

— J’ai entendu ce récit de la bouche d’autres : montagnards qui savaient la légende. C’était le soir, à l’heure où le nombre des étoiles augmente ; ils descendaient une pente de rocs lisses qui menait vers une immense vallée sombre dans laquelle croissaient des arbres bizarrement tordus, et de ces arbres pendaient de petits globes phosphorescents comme des vers luisants, étranges lumières rondes et jaunes. Soudain la vallée s’éclaira au loin, tout au loin d’une flamme dorée qui s’avançait lentement, faisant paraître les arbres rabougris aussi noirs que la nuit et jetant sur les pentes et les contours des choses des reflets d’or. À cette vision les deux hommes, instruits des légendes des montagnes, surent qu’ils voyaient l’Éden ou la senti-