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les pirates de la mer

— Où suis-je ? — demandai-je ; — il me semble que je vous connais et cependant je ne puis me rappeler qui vous êtes.

Ils me racontèrent ce qui s’était passé et je les entendis parler de la chambre rouge hantée, comme quelqu’un qui entend raconter une histoire.

— On vous a trouvé à l’aube, dit le vieux, — et il y avait du sang sur votre front et sur vos lèvres.

Ce fut très lentement que je recouvrai la mémoire de ma veillée.

— Et maintenant, — dit le vieux, — vous croirez que la chambre est hantée ?

Il ne me parlait plus sur le ton de quelqu’un qui accueille un intrus, mais comme quelqu’un qui s’afflige pour un ami dans la peine.

— Oui, répondis-je, — la chambre est hantée !

— Et vous l’avez vu ?… Et nous qui avons passé ici toute notre existence, nos yeux ne l’ont jamais vu… Parce que nous n’avons jamais osé… Dites-nous si c’est vraiment le vieux duc qui…

— Non, — dis-je, — ce n’est pas lui…

— Je le savais bien, — interrompit la vieille, son verre à la main. — C’est sa pauvre jeune femme qui avait eu peur…

— Ce n’est pas elle, — dis-je ; — il n’y a ni fantôme de duc, ni fantôme de duchesse dans cette chambre, elle n’est hantée par aucun revenant, mais par quelque chose de pire… De bien pire !…