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les pirates de la mer

gagnait jusqu’à la frénésie et mon sang-froid m’abandonnait. Je bondissais haletant et échevelé d’une bougie à l’autre, dans cette lutte vaine contre l’impitoyable avance de l’ennemi.

Je me meurtris la cuisse contre la table. Je renversai une chaise, je trébuchai et tombai, entraînant avec moi le tapis de la table. Ma bougie alla rouler loin de moi et j’en saisis une autre en me relevant. Tout à coup, celle-ci aussi s’éteignit, comme je la prenais vivement sur la table, à cause sans doute de mon mouvement trop rapide ; et immédiatement les deux bougies qui restaient allumées furent éteintes. Mais il y avait encore de la lumière dans la chambre, une lumière rougeâtre qui repoussait les ombres. Le feu dans la cheminée ! Sans doute je pouvais encore passer ma bougie entre les barreaux et la rallumer.

Je me dirigeai vers les flammes qui dansaient entre les charbons ardents et plaquaient de rutilants reflets sur les meubles ; je fis deux pas vers la grille et aussitôt les flammes diminuèrent et s’évanouirent, les charbons ardents noircirent, les lueurs bondirent et disparurent et, au moment où j’enfonçai la bougie entre les barreaux de la grille, les ténèbres m’enveloppèrent comme un œil qui se ferme, m’entourèrent d’une étreinte suffocante, m’aveuglèrent et anéantirent dans mon cerveau les derniers vestiges de raison. La bougie me tomba des mains.