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les pirates de la mer

Les ornements et les commodités de leur chambre avaient un caractère fantômal, passés de gens disparus qui hantaient le monde actuel plutôt qu’ils n’y participaient. Puis avec un effort j’écartai ces idées. Dans le long passage souterrain soufflait un courant d’air et la flamme de la chandelle dansait, faisant sauter et trembloter les ombres. Les échos résonnaient dans l’escalier en spirale ; une ombre me suivait en rampant, une autre s’enfuit devant moi dans les ténèbres. J’arrivai sur le palier et je m’y arrêtai un instant, écoutant un bruissement que j’avais cru entendre ; puis, satisfait par le silence absolu, je poussai la porte recouverte de serge et restai immobile à l’entrée du corridor.

Je ne m’étais nullement attendu à ce que je voyais, car la lune, entrant par l’immense fenêtre du grand escalier, faisait ressortir chaque chose en noir intense ou en clarté augmentée. Tout était à sa place. On eût pu croire que la maison avait été abandonnée la veille, alors qu’elle était inhabitée depuis dix-huit mois. Il y avait encore des bougies dans les candélabres et la poussière qui s’était amassée sur les carpettes ou sur le parquet ciré s’était étalée si uniformément qu’elle était invisible à la clarté de la lune. Je fis un pas en avant, et reculai brusquement. Dans l’antichambre se dressait un groupe en bronze qu’un pan de muraille m’avait dissimulé. Son ombre se projetait