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la chambre rouge

— C’est pour cela que je suis venu, — répondis-je en me dirigeant vers la porte.

À ce moment le vieillard à l’abat-jour se leva, et fit en trébuchant le tour de la table, se rapprochant ainsi des autres et du feu. Arrivé à la porte, je me retournai, et je les vis, tous trois, très proches les uns des autres, sombres contre la clarté du feu, me regardant par-dessus leurs épaules avec une expression effarée sur leurs vieilles figures.

— Bonsoir, — fis-je en ouvrant la porte.

— C’est vous qui l’avez voulu, — me lança l’homme au bras paralysé.

Je laissai la porte grande ouverte jusqu’à ce que la chandelle fût très allumée, puis je la fermai et je m’avançai dans le passage glacial et sonore.

J’avoue que l’étrangeté de ces trois vieux retraités, à la charge de qui la comtesse avait laissé le château et le mobilier antique et noirci de la loge dans laquelle ils étaient réunis, m’affectait vivement en dépit des efforts que je faisais pour rester dans un état d’esprit calme et positif. Ces vieillards semblaient appartenir à un autre âge, à un âge plus reculé où les choses spirituelles étaient autres, moins certaines que maintenant, d’un âge où l’on croyait aux présages et aux sorcières et où l’on ne pouvait nier les fantômes. Leur existence elle-même était spectrale ; la coupe de leur accoutrement appartenait à une mode née d’un des cerveaux morts.