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les pirates de la mer

S’il essayait d’aller seul, il culbutait sur les meubles ou se heurtait aux murs et aux portes. Au bout d’un jour ou deux, il fut habitué à nous entendre parler sans nous voir ; il admit qu’il était bien chez lui et que Wade ne s’était pas trompé à son sujet. Ma sœur, à laquelle il était fiancé, voulut à toute force venir le voir, et elle s’installait chaque jour pendant des heures auprès de lui, à l’écouter parler de ce rivage qu’il voyait, et il semblait éprouver un grand soulagement à lui tenir la main. Il raconta qu’en quittant le collège, lorsque nous le ramenâmes en voiture — il habitait à Hampstead — il lui sembla que nous passions à travers une énorme dune — étant dans l’obscurité jusqu’à ce qu’elle fut franchie — que nous traversions des roches, des troncs d’arbres et toutes sortes d’obstacles solides, et que, lorsqu’on le mena à sa chambre, il eut le vertige et une crainte folle de tomber, parce qu’en montant les escaliers il lui semblait s’élever à trente ou quarante pieds au-dessus des rochers de son île imaginaire. Il ne cessait de répéter qu’il allait écraser tous les œufs. Finalement, il fallut le redescendre dans le cabinet de consultation de son père et l’étendre sur un canapé qui s’y trouvait.

Il faisait de son île la description suivante : une sorte d’endroit assez morne, avec fort peu de végétation à part quelques touffes de joncs de marécage et des masses de rocs dénudés. Des multitudes de