Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même voie royale des Champs-Élysées par où le cercueil du poète va descendre de l’un à l’autre bord de la Seine ; nous tenons nos yeux attachés sur ce même point culminant où s’élève à cette heure le catafalque. La foule est énorme comme aujourd’hui,


Foule encombrant les toits, les seuils, les quais, les ponts.


On attend quelque chose qui va passer par l’Arc de Triomphe et entrer solennellement dans Paris ; c’est un empereur fait d’hier. Hier, à Saint-Cloud, le Corps législatif et le Sénat lui ont porté le plébiscite par lequel le peuple a signifié sa volonté. Et aujourd’hui, Napoléon, éclos pour la seconde fois de Bonaparte, part de Saint-Cloud pour venir prendre possession du palais des Tuileries. Jour pour jour — car nous sommes au 2 décembre 1852 — jour pour jour, il y a un an, cet homme imprévu, et que personne n’avait deviné, a, dans l’espace d’une nuit, saisi à bras-le-corps, abattu, ficelé et ligotté Paris, le Paris des barricades de 1830 et de 1848, fameux et terrible à l’Europe, qui deux fois en vingt années avait tout ébranlé de sa secousse, du nord au sud et de la Manche à la Vistule. La France a acclamé le prince et toute l’Europe interroge l’énigme de son règne naissant. Il arrive au rond-point de l’Étoile. Écoutons le narrateur officiel :