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et fonder la dynastie des empereurs français, protecteurs de l’Occident, s’il était mort aux Tuileries en transmettant sa couronne à ses fils et petits-fils, l’état d’esprit napoléonien et l’état d’ambition napoléoniste n’auraient pas fait chez les Français le ravage qu’ils ont fait. Ce double état psychique se serait amorti et peu à peu éteint. Au bout de deux générations que la place d’empereur était prise, on aurait senti que la place n’était plus à prendre. On se serait résigné à admettre qu’un Napoléon est nécessairement un homme extraordinaire, qui non seulement a eu besoin, pour pousser sa fortune au point où on l’a vu la pousser, d’un génie au-dessus du commun, mais encore de circonstances extraordinaires comme lui-même. On aurait compris qu’un chef de dynastie, à l’origine, peut bien faire des rois et des princes, mais que ses successeurs ne peuvent pas, tous les jours, pendant un siècle, prendre des tonneliers, des postillons, des clercs de notaire, des avocats, des mousses, des lieutenants d’état-major, pour en faire des rois et des princes feudataires. Le Français ambitieux fût rentré dans le cours habituel des ambitions proportionnées à la condition originelle et aux moyens dont chacun dispose. Napoléon s’est laissé renverser, et tous les yeux de France, fixés sur cette grande place vide, se sont laissé magnétiser.

Le nombre est grand de Français qui ont rêvé,