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la plus propre à éveiller la défiance, n’a rencontré que la parfaite crédulité des avaricieux disposés à être plus parfaitement incrédules sur tout autre point que leur passion dominante, et a failli un moment absorber dans sa caisse tout l’or de l’Espagne et de Cuba ! Mais vous ne savez donc déjà plus l’histoire de l’agence à décorations et à mamamouchisme qui venait expirer devant la police correctionnelle avec sa cohorte de témoins bien posés dans le moment même que M. Perrin reprenait le Bourgeois gentilhomme ! Quand M. Jourdain brame après le turban, il n’est point frappé d’aliénation mentale ; il n’est que M. Jourdain arrivé au paroxysme de son travers.

Molière, avec sa vision générale et son emportement de vision à travers tout, tend du reste à bien autre chose qu’à percer l’abîme de la crédulité humaine. Une dérision de tout ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes plane au-dessus de la cérémonie du Bourgeois gentilhomme. Tous les mouvements et tous les traits de la cérémonie sont empreints d’un caractère d’adoration et de culte qui tournent au burlesque. Ce n’est pas un titre de noblesse, c’est un sacrement que vient recevoir M. Jourdain. Ce ridicule bourgeois de Paris, en robe de catéchumène, ce grand-prêtre, ces derviches qui portent en cérémonie le Coran avec le même appareil qu’on place les Évangiles sur l’autel, ces cul-