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divertissement extravagant ; et, tout aussitôt, il conçoit que cette extravagance est la destinée finale et infaillible du sujet dont il étudie la maladie. La scène admirable, immense, où Covielle vient annoncer à M. Jourdain l’arrivée du fils du Grand Turc et la passion qu’a ce grand Turc en herbe de s’allier avec un homme tel que M. Jourdain, naît de la nécessité d’agencer la mascarade plus qu’il ne la provoque. Ne criez pas à l’invraisemblance ! Ne dites pas que l’histoire du Grand Turc et la cérémonie n’ont pas le sens commun ou qu’il faut supposer que M. Jourdain est fou à lier. M. Jourdain n’est pas fou ; tout au plus demi-fou, comme dirait Bertillon. Et non pas même demi-fou. N’étant pas gentilhomme, il s’est piqué de l’être, rien de plus ! Vous êtes, vous qui me lisez de sang-froid, M. Jourdain ; vous ferez tout ce qu’il fait si vous avez son travers, ne fût-ce qu’à l’état de radicelle et, si vous ne l’extirpez pas, ce travers deviendra manie, et de cette manie, vous serez, quand l’occasion s’offrira, l’absolu pantin, le pantin inconscient. Invraisemblance, la cérémonie du mamamouchisme ! Mais vous ne lisez donc pas la Gazette des tribunaux ! Mais vous ne vous souvenez donc pas des aventures du notaire Mary Cliquet ! Mais vous avez donc oublié cette duègne castillane qui, en faisant appel à l’avarice de ses clients sous la forme la plus grossière et