Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allait être égorgé ; il rebondit et c’est lui qui se repaît du sang de ses ennemis. Israël se tenait à la porte du palais, en costume humble, ne courbant pas la tête devant les puissants qui le méprisent, mais méprisé et menacé ; il s’insinue au palais, il y reçoit des triomphes, il devient le grand vizir ; il règne ; il a la richesse et il exerce la domination. Cette histoire s’est passée dans l’empire aux cent vingt satrapes, il y a deux mille trois cents ans, on n’en peut douter, puisque les mêmes faits caractéristiques se sont reproduits en des époques bien plus récentes, sur lesquelles la lumière abonde. Cette histoire d’Esther, c’est l’histoire d’Israël à travers les siècles ; c’est l’histoire de n’importe quelle persécution juive sous un roi de Castille ou d’Aragon : le Juif, reconnu tout à coup digne de mort, parce qu’il garde ses coutumes, parce qu’il ne prononce pas shiboleth de la même façon que les fils de Goths, parce qu’il lève le front avec orgueil, parce qu’il possède dix mille talents d’argent après lesquels brame la caisse du prince ; et tout à coup aussi, un changement total : le Juif sauvé et se bâtissant dans Tolède une Synagogue triomphale, parce qu’un des siens siège dans les conseils du roi, vers lequel il s’est ouvert un chemin par son génie de la finance, par la sûreté de son coup d’œil politique, par son savoir médical extraordinaire. Un Juif est favori et tout Israël est