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Anciens et des Modernes, un moment saillant de la religion et en groupant les autres moments autour de celui-là, choisi comme principal, Racine, le défenseur des Anciens, l’adversaire cruel des Modernes, Racine le Grec, le Latin, le fabricant, disait-on, de faux antique, venait de prouver que c’est encore dans le commerce de l’antiquité qu’on se prépare le mieux à devenir un moderne entre les modernes. Son œuvre était, comme nous dirions aujourd’hui, d’une modernité absolue. Au siècle où écrivait Racine, rien ne pouvait paraître au théâtre plus hardiment actuel que l’histoire sacrée et l’apologie religieuse, parce que rien n’était plus vivant que la religion. Les croyances chrétiennes étaient alors si étroitement tissues dans les fibres du tempérament national qu’elles en paraissaient inséparables. L’histoire chrétienne faisait partie intégrante de la haute éducation, et depuis vingt ans que le livre aisé de Nicolas Fontaine, connu sous le nom de Bible de Royaumont, était dans les mains de la jeunesse, à qui l’histoire biblique, ses faits, ses actions, ses héros n’étaient-ils pas familiers et chers ? Racine faisant jouer Esther et Athalie, c’était quelque chose comme Eschyle faisant représenter à Athènes Prométhée et les Perses ; il répondait aux préoccupations positives les plus immédiates, à la plus continuelle pensée de l’âme contemporaine. C’est la principale raison