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ham, une Juive enfin, une fleur de vie patriarcale et domestique.


On m’élevait alors solitaire et cachée…


C’est justement qu’Assuérus lui dit :


Je ne trouve qu’en vous je ne sais quelle grâce,
Qui me charme toujours et jamais ne me lasse.
De l’aimable vertu doux et puissants attraits !
Tout respire en Esther l’innocence et la paix ;
Du chagrin le plus noir elle écarte les ombres,
Et fait des jours sereins de nos jours les plus sombres.


Racine a prélevé sur les diverses femmes de la Bible, sur Rachel, sur Lia, sur Noémie, sur Ruth, sur Judith elle-même, ce qu’elles ont de meilleur pour le fondre en son Esther, comme il a ramassé dans ses deux drames sacrés d’Esther et d’Athalie l’enchaînement des faits bibliques et la substance de la vérité chrétienne.

L’originalité d’Esther au point de vue de l’art[1], le coup de génie, c’est que Racine, en prenant pour sujet de pièce, au beau milieu de la querelle des

  1. Sur les diverses questions d’art qui se rattachent à Esther, voyez aussi Émile Deschanel, Racine, t. 1er. Paris. Calmann Lévy, 1884. Nous aurons occasion de revenir sur cet ouvrage que nous recommandons à l’attention des amants de Racine.