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tion invincible de l’amour de Dieu et de l’amour en Dieu ! Quelle mélodie du soupir divin ! En ouvrant le livre, on se préparait au plaisir singulier d’être édifié par une pièce de théâtre et à s’étonner de l’être. En le fermant, il faut recueillir ses esprits pour se rappeler et reconnaître clairement que cet hymne à la gloire de l’Éternel, qui mériterait d’être ajouté par l’une et l’autre Église chrétienne à ses morceaux liturgiques, est aussi un ouvrage dramatique, l’un des plus vigoureux en sa suavité et l’un des plus originaux qui existent.

Esther a été composé en 1688 et représenté à la maison royale de Saint-Cyr en 1689. Esther se distingue de tout ce qu’on en pourrait rapprocher au xviie siècle et dans les siècles précédents par ce trait que la religion elle-même, la foi prise en sa substance la plus compréhensive, la plus sereine, la plus spirituelle, est l’objet du drame. Le salut du peuple juif ne nous y intéresse qu’en tant que c’est le salut de la religion, et d’une religion que professaient universellement et profondément, au xviie siècle, tous ceux qui voyaient et lisaient la pièce.

La religion périra si le peuple juif périt ; les promesses de Dieu auront été trouvées menteuses, et Dieu ne sera plus qu’une idole brisée. C’est l’idée mère qui, sans être exprimée ex professo, plane sur