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Pensez qu’on n’en était pas encore en France à accepter le coussin sous lequel Othello étouffe Desdémone, si ce n’est mis en musique par Rossini. Là était un premier écueil. Il y en avait un second moins apparent et plus redoutable dans la disposition d’esprit, alors sourdement naissante chez les femmes, préparée et plus que préparée par Lamartine, Vigny et les premiers poèmes de Victor Hugo et qui allait bientôt s’épanouir dans la poésie et la littérature, avec Antony, Marion Delorme, Hernani et les romans de madame Sand. Ce nouvel état psychique consistait à ne plus concevoir l’amour que comme une vertu héroïque et surhumaine, comme une chaste apothéose du cœur. Le public, dès lors, admettrait-il qu’une femme qui aime se laissât contraindre par aucune torture physique à assassiner, ou peu s’en faut, de sa propre main et avec tant de perfidie l’amant qui lui inspire une passion enthousiaste ? On fut rassuré le lendemain. De la façon dont jouèrent Mars et Joanni, la scène bouleversa la salle d’émotion. C’est ce bouleversement, pour en revenir au Henri III d’à présent, que ne produit pas madame Léonide Leblanc. Elle a les grâces et la sensibilité du genre tempéré ; elle n’a pas le sanglot.

Quoique la reprise de Henri III ait été un événement littéraire, je ne crois pas que la pièce résiste longtemps.