Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion, chose qu’en voyage et mêne en tout temps je déteste. Il s’occupe passionnément d’inventions et il laisse ses voisins se taire comme il leur plaît. Il avait découvert dans je ne sais quel bazar un nouveau système de lanterne pour lire en chemin de fer. Vers quatre heures et demie, au moment où les ombres plus épaisses tombaient sur la plaine de Picardie, il a allumé avec une vive satisfaction sa lanterne nouvelle école. Ça produisait exactement le même effet que le singe qui avait oublié d’allumer la sienne. Notre compagnon de route accrochait sa lanterne à droite, à gauche, devant, derrière ; il faisait dépasser la mèche de la bougie au-dessus de l’ouverture du haut ; il la renfonçait dans l’intérieur ; il mettait l’instrument de biais ; puis il approchait son livre, tâchait pendant cinq minutes de se faire croire qu’il distinguait les caractères et les lignes et finissait toujours par s’écrier : « C’est bien étonnant, ça ne va pas encore. » Nous lui avons conseillé d’éteindre la lumière pour voir si par ce procédé, plus neuf certainement que tous les autres, elle n’arriverait pas à éclairer. Il n’a pas voulu nous écouter. Il s’est obstiné à chercher des moyens termes. En arrivant à Bruxelles, il n’avait pas lu son livre, il n’avait pas dormi, il n’avait pas soupé, il n’avait pas vu clair et il avait failli tout de même mettre le feu au wagon. Mais il était con-