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Quelle est donc cette note, par laquelle madame Thérésa a emporté le succès et la soudaine fortune ? Le public, même au moment où Thérésa avait le plus de vogue, ne s’en est jamais rendu bien compte. J’ai prononcé tout à l’heure le mot de sublime ; c’est le vrai mot. La note de madame Thérésa est tout simplement le sublime. Il y a dans le sublime des degrés ; madame Thérésa a quelquefois atteint les plus hauts.

Je ne me chargerais pas de dire en quoi consiste au juste le sublime. On le reconnaît à ses effets. La sensation du sublime est un brusque saisissement moral de tout l’être qui se manifeste aussitôt par l’intensité du frisson physique. Oh ! si le frisson ne court pas le long de vos moelles, rapide et fugitif comme l’éclair, mais envahissant et puissant comme la foudre, ce n’est pas encore le point culminant du sublime ou de la sensation du sublime.

J’ai beaucoup lu, beaucoup vu, beaucoup admiré. Je jouis beaucoup plus, ce me semble, de ce qui est beau que la plupart de mes contemporains. Je n’ai éprouvé le frisson sacré que trois fois. Rachel, la première, me l’a donné, quand elle s’écriait :


· · · · · · · · · Non ! je ne veux plus rien ;
Ne m’importune plus de tes raisons forcées…
Rentre dans le néant dont je t’ai fait sortir.