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La destinée de Thérésa est l’un des mille contes orientaux qui se déroulent chaque jour sur le pavé de la capitale. Le coin le plus grouillant du faubourg Montmartre se rappelle encore la jeune Thérésa à quinze ou seize ans, une mince personne, maigrillonne et blanche, qui confectionnait des paniers pour les confiseurs, au numéro 9 de la rue, au cinquième, chez l’excellente madame Bonte, dont Jules Janin fut l’ami. La petite Thérésa n’était pas jolie, jolie.

Elle ne gagnait pas des mille et des cents : trente sous par jour, ou, tout au plus, quand le bonbon allait, quarante. Mais elle possédait deux vrais trésors, le contentement qui passe richesse et une note bien à elle. Avoir une note à Paris, ne fût-ce que sur le trombone, c’est avoir un million — pourvu, comme dit le philosophe Bilboquet, que cette note plaise au public. La petite Thérésa chantait d’une voix déjà tonnante. La brasserie au fond de la cour, qui porte maintenant le titre pompeux de Brasserie Moderne, était un rendez-vous d’artistes et de poètes. Plus d’un parmi eux, quand la jeune Thérésa traversait la cour en jetant sa note au vent, a pu prédire un avenir, de belles choses au trottin chantant de madame Bonte. Parbleu, mon enfant, vous êtes tout justement de la force de Paganini sur le violon ; cultivez-nous cette voix-là et je vous