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ment : La nature ! il n’y a que ça ! Copiez la nature ! Rendez la nature ! Faites d’après le modèle vivant ! C’est, je crois, ce que l’on conseille aussi très fortement aux dramaturges dans tous les feuilletons du lundi. Que faisons-nous donc tous, lui au théâtre, nous sur la toile. Nous faisons le modèle vivant, et nous l’idéalisons tantôt en bien, tantôt en mal. Que vaudraient l’art où brille M. Dumas et le nôtre, si lui et nous nous allions imaginer des figures qui n’existent pas ! Que deviendraient peinture et sculpture, si tous les modèles vivants étaient aussi susceptibles que mon illustre partie adverse sur la propriété de leur figure ? Qu’est-ce qui nous serait laissé à peindre ? Des chimères ? Des monstres ? Des êtres à pied de bouc et à tête de rat ?

» Et si je soutenais, messieurs les juges, que mon Juif de Bagdad n’est pas le portrait de M. Dumas ! Je le puis ; je le fais. J’affirme que M. Dumas est le jouet d’une ressemblance fortuite ; cela arrive ; rappelez-vous la déplorable affaire Lesurques. Et, à cause de ce hasard malheureux, je serais condamné à détruire mon tableau, je perdrais le fruit de mon travail, qui est aussi une propriété ! Que dit M. Dumas ? Qu’il est mon marchand juif ! Est-ce que M. Dumas est marchand ? Non ! Est-ce qu’il est Juif ? Non ! Est-ce qu’il porte à la ville un costume levantin comme Jean-Jacques Rousseau ? Non ! Alors pour-